“Être meneur de sa propre vie, de son projet, c’est à la portée de chaque individu”
En marge de l’événement Innove Ton Club, Bpifrance a réuni deux grands meneurs du sport à la française : Frédéric Michalak, légende du rugby tricolore, et Marc-Henri Beausire, patron du Coq Sportif, l’équipementier qui renait de ses cendres. Interview croisée.
Dans la catégorie des meneurs à succès, Frédéric Michalak et Marc-Henri Beausire sont très haut placés. Le premier, sur les terrains comme en dehors, fait toujours preuve d’un leadership inspirant. Le second a su guider ses équipes pour faire du Coq Sportif un équipementier à la renommée internationale. En marge de l’événement des Meneurs intitulé Innove Ton Club, qui mettra en avant l’innovation dans le sport français, les deux personnalités se livrent sur ce qui se trouve vraiment, selon eux, derrière le rôle de “meneur”.
Bpifrance : Comment définissez-vous un « meneur » ?
Frédérick Michalak : Plus que meneur, je parle plus généralement de leadership. C’est essentiel dans le monde du sport comme dans celui de l’entreprise. C’est par la prise d’initiative et l’engagement des meneurs que naissent les succès, les victoires. Et c’est encore plus vrai dans notre quotidien récent, avec le stress et les nouvelles contraintes. La question à laquelle répond le leadership, c’est : « Comment peut-on s’engager ensemble vers l’atteinte d’un objectif commun ? » Un engagement pour soi est déjà quelque chose de fort mais parvenir à engager les autres, c’est clairement plus difficile.
Qui incarne parfaitement cette image de meneur, que ce soit un sportif ou un chef d’entreprise ?
Frédérick Michalak : Il n’y a pas besoin de chercher bien loin, il est là, avec nous (sourire). Je crois que Marc-Henri incarne parfaitement ce dont nous sommes en train de parler. Il est à la tête d’une grande entreprise, il en est le meneur. Je l’ai vu arriver à la tête du Coq Sportif et j’ai constaté le renouveau qu’il a impulsé, la nouvelle identité de marque et surtout la manière dont il a suscité un engagement fort de toutes les personnes qui travaillent à ses côtés. Et même nous, les personnalités qui représentons la marque, on se retrouve complètement dans cette entreprise et on a profondément envie de porter ses couleurs.
Marc-Henri Beausire : Je pense qu’être meneur, c’est disposer d’un leadership individuel fort et grâce à cela, guider et inspirer. Je me souviens parfaitement du jour où Frédéric est sorti de sa deuxième opération de l’épaule. On est dans un restaurant, à Paris, et il dit : « Un jour, je reviendrai en Equipe de France ». A l’époque, personne ne le croit. Son épaule est très endommagée et médicalement, c’est considéré comme une aberration d’envisager de jouer au rugby après ça. Mais dans sa phrase, il y a une conviction tellement inspirante… Et il l’a fait. Cette notion de meneur, de leadership, d’inspiration, chaque individu peut l’avoir.
Est-ce qu’être un meneur, c’est aussi être exemplaire ?
Frédéric Michalak : Complètement. Déjà, parce qu’on ne peut pas attendre des autres ce que l’on ne fait pas soi-même. A partir du moment où l’on a certaines valeurs et qu’on embarque des gens dans un projet, on se doit de montrer l’exemple. Quand j’étais joueur de rugby, c’était très important pour moi de donner l’exemple car je n’étais pas un leader de parole. Mais j’aimais beaucoup montrer la voie par mon exemplarité. Et c’est encore ce que j’essaye de faire aujourd’hui, dans tout le travail de transmission que je mets en place. Je tente d’expliquer cela aux gens, aux jeunes.
Cette exemplarité passe aussi par les valeurs et le sens que l’on donne à nos actions ?
Marc-Henri Beausire : Pour moi, l’exemplarité s’exprime pleinement dans la notion du « qui on est ». Et la période que nous vivons est très intéressante par rapport à cela. Avant, on voulait être exemplaire sur tous les plans : leader de vestiaire, meneur d’Hommes, etc. Je pense que l’exemplarité est totale quand on parvient à être qui on est, avec nos faiblesses comme nos points forts. Être un meneur, c’est être nous-mêmes avec nos forces et nos petits défauts.
Même quand on est une entreprise, il faut savoir assumer son imperfection et ne pas la cacher ?
Marc-Henri Beausire : On ne peut pas être exemplaire sur tous les sujets. Si je prends l’écologie, par exemple, on ne peut être à 100 % irréprochable. Ce que l’on peut dire, c’est « Je fais au mieux et il me reste tout un tas de choses que je vais mettre en place ». C’est un discours qui était inaudible auparavant. Nous, par exemple, nous n’avons pas parlé de nos actions dans les premières années parce que ce n’était pas compréhensible. De 2009 à 2016, on a fait, en sachant où l’on voulait aller, mais en passant sous les radars. On ne parlait pas d’écologie, on ne parlait pas de responsabilité sociale, mais on agissait. Même en interne, certaines des équipes ne comprenaient pas toujours ce que l’on essayait de faire, parce que ça ne correspondait pas avec ce qui existait dans le monde du sport à ce moment-là. Pour moi, c’est ça l’exemplarité dans le monde de l’entreprise : je suis en accord avec ce que je fais, mais j’admets aussi que je ne suis pas en mesure de tout faire tout de suite.
Être sûr de sa force tout en ayant l’humilité de reconnaître ses faiblesses. En somme, s’assumer et laisser exprimer le meneur qui est en nous ?
Marc-Henri Beausire : Quand tu es un grand champion, et un meneur comme a pu l’être Frédéric, tu es obligé de te connaître parfaitement. Cette connaissance de soi, de ses forces et de ses faiblesses, le monde de l’entreprise ne l’avait pas encore pleinement. Le sport a toujours eu un temps d’avance sur l’entreprise et je remarque que la période que l’on vit fait bouger les choses. On est en train de comprendre qu’il n’y a pas deux mondes et deux personnalités à avoir, entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Moi, par exemple, j’avais deux personnalités totalement différentes. Et le confinement, le travail à la maison, les réunions dans lesquelles on voit parfois les intérieurs des maisons et appartements des collaborateurs, participent à casser un peu cela.
Qu’est-ce que cette vie de meneur vous a appris sur vous-même ?
Frédéric Michalak : J’aime entendre Marc-Henri parler « d’apprendre à se connaître ». Quand on est meneur, c’est précisément ce dont on a besoin : se connaître et aussi mieux gérer son stress. Pour ma part, cette période a eu comme effet positif de m’apprendre à mieux affronter les grands rendez-vous, les grands matchs. Après, ce devoir d’exemplarité fait aussi que vous êtes systématiquement observé. Pour un sportif, comme pour un dirigeant d’entreprise, ces responsabilités assumées peuvent devenir un poids. Ça s’apprend, ça se gère. Et aujourd’hui, dans mon autre carrière, je continue de vouloir mener des projets tournés vers l’avenir, avec des enjeux qui sont importants pour moi comme l’écologie. Je n’ai pas une volonté de mener des projets qui permettront de gagner beaucoup d’argent mais plutôt d’emmener des gens vers des choses qui me correspondent et qui me plaisent.
Marc-Henri Beausire : Le bénéfice de cette vie, mais aussi de la période Covid-19, c’est de faire un bilan personnel et professionnel. Garder le positif et identifier ses faiblesses. Je me souviens d’une discussion avec Yannick Noah à ce sujet, il me parlait de ce que les joueurs de tennis pouvaient mettre en place durant cette période. Yannick me disait que ceux qui auront réussi à revoir leur jeu pendant cette période, à le déconstruire et à s’améliorer, auront fait un bond en avant. En entreprise, c’est la même chose : laisser de côté certaines choses, même qui nous tiennent à cœur, mais avec la volonté d’être plus grand.
Retrouvez de nombreuses personnalités inspirantes lors d’Innove Ton Club, une émission inédite sur l’innovation dans le sport le 3 juin à 12h30. Suivez l’événement en direct ici.